5 points pour comprendre le marché du whisky actuel !

Verre de whiskey

La France, c’est 352 millions de litres de spiritueux consommés sur un an, dont 133 millions de litres de whisky (chiffres ISWR 2013, forecast 2014). Si le volume reste plutôt stable depuis 2009, le mode de consommation évolue. Comme dans de nombreux domaines, les Français consomment moins, mais mieux.

Donald MacKenzie, Brand Ambassador Whisky de la maison Dugas, né et élevé (comme bon nombre des meilleurs whiskies du monde !) sur l’île d’Islay, nous livre sa vision du marché actuel.

On observe une raréfaction des vieux whiskies, qu’est-ce qui explique ce phénomène ?

On a « habitué », les consommateurs de vieux malts, à des prix pas suffisamment valorisés par rapport au marché. Il y a quelques années, l’industrie avait des stocks conséquents de vieux malts (le résultat d’une baisse de consommation de jeunes whiskies – les blends – dans les années 70-80, ce qui a donné par ricochet des stocks de « vieux » 30 ans plus tard).

En parallèle, l’industrie a martelé aux consommateur « plus c’est vieux, mieux c’est », alors qu’il n’en est rien en vérité. En effet, l’âge est un facteur de la qualité réelle d’un whisky, mais ce n’est pas le seul ! Toujours est-il que, pour le consommateur classique, un « vieux » malt sera toujours meilleur qu’un « jeune ».

Il y a donc, aujourd’hui, de la part des acteurs, beaucoup de formation à consacrer à des nouveaux consommateurs pour les convaincre – par la dégustation – que cela est parfois faux. D’où le succès des salons tels que le Whisky Live par exemple, où l’on met en dégustation énormément de types et d’âges de whisky à l’attention de ce public.

Whisky lagavulin

Écossais, Irlandais, Japonais…un combat toujours d’actualité ?

L’Écosse reste le maître en matière de whisky. Avec une centaine de distilleries en activité, cela devrait se maintenir, d’autant que quasiment tous les autres acteurs – avec l’exception honorable de l’Irlande – assument tirer leur légitimité de l’histoire écossaise. A commencer par les japonais, dont l’héritage dans le whisky tire ses racines du temps passé en Écosse dans les années 20 par Masataka Taketsura, le véritable père de l’industrie nippone.

Le whisky japonais séduit par ses qualités réelles, mais aussi par un packaging au goût du jour, notamment en achat cadeau. Leurs volumes disponibles restent très faibles cependant, et sont affectés en premier lieu au marché domestique.

L’Irlande fait parler d’elle, et c’est tant mieux, après tant d’années de traversée du désert. En effet, rappelons qu’il n’existait que 2 distilleries en activité en Irlande dans les années 70, alors que depuis peu, on assiste à une véritable explosion d’ouvertures : Teelings à Dublin par exemple, ou bientôt Walsh Distillery. Cette nouvelle Irlande produira des produits d’artisan, aux volumes faibles, mais aux qualités réelles, et c’est tant mieux !

Quelles sont les tendances actuelles et à venir ?

Je n’ai pas de boule de cristal… mais je suis convaincu que le whisky NAS (No Age Statement – sans déclaration d’âge) continuera de s’implanter, faute de vieux stocks à vendre !

Il y aura peut-être davantage de vieillissements « atypiques », c’est-à-dire, autre que les sempiternels Bourbon Barrel et Sherry Butt. Il y a une d’ailleurs une pression énorme sur ces secteurs, notamment celui des Bourbon Barrels. L’industrie américaine cherche à faire évoluer ses lois, afin de ne pas être obligé d’utiliser des fûts neufs pour le Bourbon (facteur de coût énorme, et dominant de saveur également). N’oublions pas, non plus, l’émergence du secteur « vieux rum » qui a également besoin de beaucoup de fûts ex-bourbon, accentuant la pression sur l’industrie écossaise.

Et quand on pense à toutes ces barriques bordelaises qui feraient plus que l’affaire…

Fut de whisky

L’arrivée de « petits producteurs » modifie t-il le marché ?

Tant que ces « petits » font des produits de qualité, alors c’est positif pour le marché.

Cependant, avec des coûts de revient fatalement plus élevés, et une expérience de distillation, vieillissement et assemblage moins forte, on a souvent des whiskies dont le prix d’appel reste très élevé, et dont parfois la qualité réelle n’est pas en harmonie…

Le whisky, peut-être plus que d’autres spiritueux, est une affaire de temps, d’expérience, de terroir, de doigté… de plein de petits détails que, nous autres écossais, ont assimilé depuis des siècles, et qui font réellement la différence par rapport aux autres, et notamment les « nouveaux ». On pourrait, par exemple, faire le parallèle avec les vignerons français.

On parle de plus en plus de spiritueux Français et notamment de whiskies. Pourquoi un tel engouement ?

En vérité, cette tendance est légitime. La France est une grande productrice de céréales de qualité, certifiées sans OGM. Elle a aussi une véritable histoire de distillation, comme nous les écossais. Pourquoi son whisky ne serait-il pas bon ?

Je pense que les français sont d’abord, vous savez, respectueux de la tradition écossaise. Ils n’ont peut-être pas osés franchir le pas, jusqu’à ce que  d’autres pays, dont beaucoup ont finalement bien moins de légitimité que les français, leur ont emboité le pas. Dès lors, ils se sont un peu libérés de leur pudeur naturelle, et du coup on voit de plus en plus de véritables whiskies sortir dans plusieurs régions de France.