Tête Haute est bien plus qu’une brasserie. C’est un lieu solidaire où l’on vient redonner du sens à sa vie professionnelle, déguster un repas accessible, partager des activités culturelles et faire des rencontres autour d’une bière artisanale brassée sur place. Suivez-nous dans les coulisses de la brasserie !
Rendez-vous à la brasserie Tête Haute
Le rendez-vous était donné au Cellier, petite bourgade à 15 minutes de Nantes (44). Nous nous arrêtons devant une façade un peu froide tout en miroir, qui nous renvoie notre drôle d’image d’un lundi matin où la SNCF avait coché la case « Retard… grand retard ». Nous entrons. Le contraste est grand entre l’extérieur et l’intérieur de cette brasserie pas comme les autres : bois chaleureux, bar, tableau noir, piano, scène ouverte, rayonnages de bières maison… Certains travaillent sur leur ordinateur, d’autres passent en chantonnant. L’atmosphère cosy est en accord parfait avec le grand sourire d’Anne-Sophie qui nous accueille à Tête Haute, brasserie d’insertion.
Une brasserie familiale à la vocation sociale
Tête haute, la petite ligérienne, est en train de passer à la vitesse supérieure. Cette brasserie pas comme les autres a été créée en 2018 par Fabien et Samuel Marzelière, deux frères à la solide fibre entrepreneuriale doublée d’une profonde vocation sociale. « On avait envie de brasser de bonnes bières, d’êtres novateurs, et de permettre de créer de l’emploi durable, » précisent-ils.
Chacun d’eux a inventé son métier, dans une logique d’artisan, où l’on peut « apprendre à faire soi-même et surtout à transmettre. » C’est ainsi qu’est née : Tête Haute, avec cet ADN social et son statut d’entreprise d’insertion (EI). Fabien est travailleur social de métier et référent sur la partie IAE (insertion par l’activité économique), tandis que Samuel occupe le poste de directeur commercial aidé d’une équipe de trois personnes. Deux ans après la création, ils ont été rejoints par Guillaume Leroux, chargé du développement de l’entreprise. La brasserie fête aujourd’hui, en 2023, ses (presque) cinq ans d’existence et de belles aventures humaines.
Depuis l’origine, 15 personnes ont ainsi réussi à obtenir un CDD long, CDI ou contrat d’insertion appliqué au projet professionnel. En 2023, Tête Haute emploie entre 20 et 25 personnes, dont 50% sont en parcours d’insertion : une vraie montée en cadence. Côté bière, 4 000 hectolitres ont déjà été brassés et le catalogue compte près de 20 références. Quant aux finances, la structure n’est peut-être pas encore tout à fait l’équilibre mais les projets engagés vont lui donner des ailes !
Une brasserie comme lieu de partage
Ouvrir la porte, c’est découvrir une kyrielle de belles initiatives entrelacées. L’entreprise rassemble un lieu de production de 600m² pour le brassage et le conditionnement des bières, un espace administratif et, particularité, un tiers-lieu partagé. Cette buvette est cogérée avec une association : Tipi, qui crée la rencontre et anime un réseau de bénévoles. Les activités proposées y sont diversifiées : animations culturelles autour de la musique, du chant et de la danse, soirées zythologie (accords mets-bières), soirées jeux intergénérationnelles ou encore ateliers dédiées à la répartition d’objets dans une logique économie circulaire, au « repair-café ».
Salle de brassage, tiers-lieu, cantine solidaire… et bien plus encore ! « On avait envie de brasser de bonnes bières, d’être novateurs et de créer de l’emploi durable. » Nous partagent Samuel et Fabien Marzelière.
Depuis quelques temps, une cantine solidaire s’est nichée dans les locaux. En fin de semaine, Léa, à l’initiative du projet, cuisine les invendus de l’association « Pain » partagé et tout le monde peut bénéficier d’un repas fraîchement concocté à prix libre. Le point d’équilibre est à 8€ environ mais chacun donne ce qu’il souhaite. Ce système encourage ainsi le paiement de repas suspendus pour ceux qui ne peuvent régler. L’aspect environnemental n’est pas oublié non plus. Léa recycle ainsi les drêches de houblon pour fabriquer du pain. Du houblon qui sera bientôt cultivé juste à côté de la brasserie sur 1 ha. Circuit court, toujours ! 😉
Favoriser l’accompagnement avec un contrat d’insertion
Chaque salarié en insertion signe un contrat de travail classique. « On accueille, on écoute, on comprend, on redonne confiance, on met en action, on adapte les horaires en fonction des besoins. Dans tous les cas, le parcours passe par l’acquisition de compétences liées à l’activité de brasseur. Des compétences qui sont transposables ailleurs, et par l’accompagnement d’un nouveau projet professionnel », souligne Anne-Sophié Thomas, responsable communication et marketing. « La vie en équipe avec les réunions, le respect des règles, les formations apporte également beaucoup dans ce processus de rééquilibrage de vie. Ce qui nous importe, ici, c’est la mise en emploi. »
Comme pour Martin, 25 ans, qui, après un démarrage dans le secteur de la grande distribution, s’est retrouvé complètement perdu dans le monde du travail. Avec Tête Haute, il a découvert que l’entreprise pouvait être bienveillante. Il lui reste aujourd’hui 3 mois à la brasserie pour peaufiner son nouveau projet professionnel, lui rêve de devenir maraîcher !
Le contrat d’insertion intègre aussi des stages d’immersion dans d’autres structures de territoire, en lien avec chaque projet professionnel individuel. Pour mettre toutes les chances du côté des salariés en insertion, l’équipe Tête Haute s’investi dans les domaines de la mobilité (solutions de covoiturage, examen de permis de conduire, aides pour acquérir un vélo électrique…) de l’intégration culturelle (des cours de français par exemple) ou propose des solutions de garde d’enfants. C’est un accompagnement à 360°, à la fois très exigeant et très motivant pour tous, salariés en insertion et encadrants ! 😉
Chaque personne apprend et se forme à chaque poste
La production, quant à elle, reste celle d’une brasserie classique avec le sourcing des houblons, des malts, et des levures avec des exigences en termes d’hygiène et de qualité. Tête Haute brasse deux fois par jour environ 3 000 litres de bières distribués ensuite dans de nombreux bars, et notamment les V and B de Loire-Atlantique et ceux du Maine-et-Loire. Chacun apprend à chaque étape et tourne sur l’ensemble des postes, capitalisant ainsi compétences et connaissances. Cette brasserie, entreprise ouverte, fonctionne comme un lieu d’insertion augmenté d’un lieu de vie où l’on brasse bien autre chose comme profils, les âges, les origines, les parcours de vie autour de valeurs d’inclusion. De quoi donner encore plus de saveurs… au travail !
Des bières à l’image des collaborateurs de la brasserie
Tête Haute propose à chacun de ses employés en insertion un véritable rituel de passage dans la brasserie : créer sa propre bière éphémère. La recette est mise au point avec les conseils d’Aude, la zythologue – l’œnologue de la brasserie. Cerise sur… la bière, chacun se voit croquer sa tête (haute, forcément) par Hector de la Vallée, célèbre illustrateur de monde du hip-hop, et enregistrer son portrait chinois sous forme de podcast. Le croquis et le QR code du podcast habillent ensuite la canette. « Le projet Pow-wow permet à chacun de se challenger et de rendre visible les invisibles, indique Fabien Marzelière. Il nous sert également de lab pour créer de nouvelles bières. »
Hélène vient tout juste de sortir sa Pow-wow. Cette maman, infirmière, accompagne sa petite fille atteinte d’une maladie orpheline. Tête Haute lui a permis de reprendre pied dans le monde du travail avec des horaires adaptés. Avant cela, Hélène fut une baroudeuse ! Ses années passées seule au volant d’un fourgon, notamment en Inde, lui ont donné quelque goût pour l’exotisme. Sa recette Pow-wow est brassée à base de houblon avec des feuilles de curry et de l’ananas ! Près de 1 500 litres de la bière d’Hélène, série limitée, ont été mis en fûts et en canettes dans l’atelier de production. Ils seront bientôt prêts à déguster. Quant à la créatrice, elle compte bien transformer son projet professionnel très prochainement dans la restauration.
Derrière le logo se cache une histoire
Derrière ce logo, qui mêle houblon et visage d’indien et ce terme « Pow-wow » se cache un indien engagé. On retrouve la fierté de minorités qui ont su conserver leur culture et leur indépendance, ont gardé la tête haute et la fierté chevillée au corps, en prélevant le juste nécessaire à la nature.
Tête Haute démontre qu’une brasserie peut être à la fois artisanale et socialement engagée, créant des opportunités tout en tissant des liens communautaires. Si vous voulez en savoir plus, sachez que la brasserie se visite ! 😉