À la rencontre de Marc Darroze, éleveur d’armagnac !

Distillerie d'armagnac Darroze

Le nom de Darroze est connu, le prénom un peu moins. Et savoir que Marc est installé à Roquefort (40), qu’il est éleveur et que son métier repose sur le vieillissement en cave ne vous renseignera pas totalement sur son activité. Marc Darroze n’est ni chef ni producteur de fromage en Aveyron, mais éleveur d’armagnac dans les Landes.

Marc Darroze – ©Pamplemousse Agency

Une famille aux talents multiples

Dans la famille Darroze, je voudrais le frère. Marc est moins célèbre qu’Hélène qui fait briller la gastronomie française dans ses restaurants ainsi qu’au petit écran (Top chef sur M6). Il n’en a pas moins creusé son sillon, dans un domaine plus confidentiel, mais avec un talent et une passion que semblent avoir touchés les deux enfants en héritage. C’est pourtant en toute décontraction, qu’il accueille dans le chai familial, construit par son père, Francis, avec l’accent chantant des gens du pays gascon. À quelques kilomètres seulement de l’hôtel-restaurant ouvert par son grand-père, Jean, à la fin du XIXè siècle. Saga familiale, passion du savoir-faire, ancrage territorial : l’histoire de Marc Darroze repose sur la transmission et le partage.

L’histoire de la distillerie d’armagnac Darroze

L’histoire familiale

Tout commence en 1895 lorsque Jean, le grand-père de Marc, ouvre l’hôtel-restaurant : Le Relais. « À cette époque, mon père et mon grand-père allaient directement dans les fermes d’alentour pour acheter du foie gras, du canard, du gibier. Elles étaient organisées autour de la polyculture et la plupart distillaient du vin. Elles stockaient l’eau-de-vie ainsi produite comme « bas de laine » pour les mauvais jours ou les futurs investissements », explique Marc.

Son père, Francis, alors chargé de la carte des vins du restaurant, connaît donc personnellement les producteurs et les stocks dormants. Après dégustation, il sélectionne les eaux-de-vie, en respectant leur origine et leur authenticité. Contrairement aux pratiques de l’époque, il ne fait pas d’assemblage et laisse le nom de la propriété sur la bouteille. Il appose seulement une étiquette : « Sélectionné par Francis Darroze dans ses chais à Roquefort ». Son activité de négoce, en tant qu’intermédiaire entre les vignerons et les restaurateurs, se développe ce qui l’amène à quitter le restaurant familial à 40 ans.

Faire perdurer le nom Darroze !

Au décès de Jean, son père, une dizaine d’années plus tard, Francis ne peut se résoudre à fermer l’établissement. Il le reprend, tout en continuant une activité de négoce qui a pris de l’ampleur. Pendant ce temps, Marc et Hélène, la dernière génération, suivent respectivement des études d’œnologie et de commerce.

Dans les années 90, les activités de Francis connaissent un coup d’arrêt. Il rappelle alors ses enfants à ses côtés pour l’aider : Hélène reprend le restaurant, Marc continue le commerce d’armagnac. Grâce à sa formation d’œnologue et aux voyages qu’il a effectués durant ses études, il relance rapidement l’affaire, notamment avec les Etats-Unis. Du côté de l’hôtel-restaurant, les choses se passent moins bien. En 1999, Le Relais ferme après plus d’un siècle d’activité. Mais la fin de cette histoire marque aussi le début d’une autre : Hélène ouvre sa première table à Paris… avec la réussite qu’on lui connaît.

Hélène Darroze – ©20 Minutes

Un élevage qui respecte la tradition familiale !

À Roquefort, Marc travaille dans le respect de la tradition familiale. « J’ai continué à mettre en avant les propriétés, à faire des eaux-de-vie non réduites, millésimées, bien sûr sans caramel ni sucre. Je ne me posais pas la question de comment développer l’entreprise », se souvient-il. Grâce à sa formation de technicien, il renforce le travail avec les producteurs et intensifie les distillations pour maîtriser l’élevage de A à Z. « Nous sommes distillateur-éleveur : on distille des vins en propriété et on continue à sourcer des armagnacs chez les producteurs pour étoffer notre catalogue. » Cependant, les temps changent : la tradition de mettre en réserve l’armagnac existe toujours mais les fermes, dont les revenus ont drastiquement baissé, ont de moins en moins les moyens de le mettre de côté.

Marc Darroze – ©Pamplemousse Agency

Marc comprend alors que c’est à lui de le faire, sans quoi, dans 20 ou 30 ans, il manquera d’armagnac. « On travaille avec une trentaine de producteurs et on a un alambic ambulant, datant de 1947, qui va de propriété en propriété quand il n’y en a pas sur place. Une fois que l’eau-de-vie sort, elle est transférée dans nos chais. En barrique neuve, elle va prendre le maximum de sa couleur et de son tanin. En fonction des années, on la sort au bout de 12, 18 ou 24 mois pour la passer dans des fûts plus âgés. » Une maîtrise de l’élevage qui permet de proposer une gamme traditionnelle où l’armagnac est tracé de la barrique à la bouteille et une gamme plus accessible, composée d’assemblages de barriques complémentaires pour des armagnacs de 8 à 60 ans d’âge.

Alambic de 1947 – ©Pamplemousse Agency

Les ambitions de Darroze

Au milieu des années 2000, Marc commence à faire quelques démarches commerciales comme des salons et intègre le Centre des jeunes dirigeants. « Ce sont des chefs d’entreprise qui se retrouvent pour se former, échanger sur leurs problématiques et sortir de l’isolement dans lequel on peut être dans une TPE. Quelle que soit l’entreprise, ils ont un leitmotiv commun : l’humain qui en fait la richesse principale. Je me souviens aussi qu’une amie du Centre des jeunes dirigeants m’avait dit un jour : « Marc, c’est super ce que tu fais, mais qu’est-ce que tu manques d’ambition ! » Je l’avais mal pris, au début, puis, avec du recul, j’ai fini par comprendre ce qu’elle avait voulu me dire. »

La stratégie de l’entreprise familiale

Marc prend conscience de ce qu’est une stratégie d’entreprise. « Je mets des mots sur des choses qui existent déjà chez nous. Je fais mon premier business plan alors qu’avant c’était a « bisto de nas », à vue de nez, comme on dit ici. Ça ne change pas l’ambition de la maison, ça vient la conforter ». Les valeurs de la marque Darroze sont affirmées. Ce sera l’authenticité, le respect des partenaires et du produit, l’indépendance et le plaisir. « On assume notre but d’être un leader en termes qualitatifs. Ça n’est pas une prétention – car beaucoup de nos concurrents travaillent tout aussi bien – mais un objectif. Nous voulons que, quand quelqu’un parle d’armagnac, il pense tout de suite à nous. »

©Pamplemousse Agency

Un seul et unique métier

Aujourd’hui le technicien et le chef d’entreprise ne font plus qu’un. Les armagnacs Darroze sont toujours une entreprise entièrement familiale qui assume une production raisonnable au profit de la qualité. C’est aussi la garantie de conserver une relation personnelle et de proximité avec les producteurs et les principaux clients. Y aura-t-il une quatrième génération aux commandes des armagnacs Darroze ? « Je ne mets pas de pression sur mes enfants mais je vois bien que ça leur parle. Les deux adorent recevoir leurs copains, leur faire à manger. Or, le métier que je fais aujourd’hui, c’est avant tout cela : les rencontres et le partage. »

D’ailleurs, cela fait 50 ans en 2024 que les armagnacs Darroze ont vus le jour et petite nouveauté, au côté de la collection unique et des grands assemblages, est une gamme bio, baptisée Biologic. Alors prêt•e à goûter ?